A vous couper le souffle, une performance de scène, un soliloque endiablé à voir en trois parties.
Découvrir un auteur Massimo Carlotto et une comédienne Nicole Mouton durant 1 h 10.
Une captation n’est toujours qu’un modeste témoin de cet art de l’éphémère qu’est un spectacle vivant.
RIEN PLUS RIEN AU MONDE en diffusion complète…
C’est sa dernière heure de liberté…avant son arrestation filmée et diffusée en direct à la télévision.
Rebelle, addict à l’alcool, une femme évoque sa rage de vivre, son amour de la liberté, la déchéance sociale, la fascination de la télé réalité, ses frustrations… Elle tente tout pour que sa fille réussisse à sortir de la cité, du carcan de pauvreté. Son amour si fort pour la « Petite » lui fera franchir une limite de non-retour.
Un drame contemporain de Massimo Carlotto qui met en lumière la verve populaire, au sens noble, des laissés-pour-compte de nos sociétés urbaines déshumanisées.
Nicole Mouton s’empare du texte avec toute la fougue d’une passionaria. Le rugueux, le parler franc, le jeu « Actors Studio », sont les armes qu’elle fournit pour incarner corps et âme ce personnage autant dans son humanité que dans l’intensité de sa folie !
Une mise en scène épurée, un décor minima laissent à la comédienne une liberté de jeu totale.
La musique générale composée par Gilbert Gandil module, découpe, projette le sens de ce drame.
« RIEN PLUS RIEN AU MONDE » vu par une autrice Lilianne Panigoni
RIEN PLUS RIEN AU MONDE de Massimo CARLOTTO interprété par Nicole MOUTON : une apothéose !
Une performance de comédienne seule pendant plus d’une heure sur la scène dans un décor minimal, une scène pratiquement vide, ce qui renforce l’omniprésence du jeu dramatique.
La conscience d’une femme de ménage italienne est mise à nu dans cette dernière version de RIEN PLUS RIEN AU MONDE. Nicole n’a plus besoin d’un décor réaliste comme dans la première version du spectacle : elle épouse ici toute la réalité psychologique de cette femme et l’alchimie entre le personnage et la comédienne (dont elle parle elle-même) est totale.
Qui est cette femme qu’elle joue depuis longtemps ? Une femme frustrée pour laquelle les projections sur sa fille unique sont essentielles pour ne pas basculer dans la folie, la déconnexion avec son moi réel. La comédienne devient cette femme modeste qui assume une vie de privations avec un tempérament violent, entier, envieux, autoritariste et surtout, elle a tout misé sur sa seule fille pour réaliser une vie de star sous les projecteurs. En psychologie cela s’appelle vivre par personne interposée.
Nicole occupe toute la scène entourée par des murs de pierre qui la cernent et elle s’y cogne : son amertume, sa colère, sa souffrance l’enferment. Son personnage ne peut quitter ce lieu : elle est prisonnière de son délire. Il y a bien une ouverture sombre au milieu d’un mur mais elle ne sera éclairée qu’à la fin : arrivée de la police ? ou bien d’une ambulance ?
Nicole occupe tout cet espace, celui de cette femme qui passe sa vie à compter car l’argent est rare, cette femme qui envie les femmes fortunées, les femmes libres, les vedettes, ou celles qui ont un mari riche. Voilà résumé en peu de mots ce qu’elle veut pour sa fille. Son amour maternel est vicié mais elle ne le sait pas. Ses projections la possèdent, l’obligent à vivre ainsi,-aller voir un psy ne fait pas partie de son milieu social-.
Nicole parle sous une pleine lumière, elle est cette femme, parfois la lumière s’assombrit devient froide et bleue pour souligner la souffrance, parfois elle se réchauffe et devient chaude et orange et quelques bouffées de joies éclaboussent le public, rares et donc précieuses car Nicole chante avec ses tripes d’une voix énergique et pleine, et les murs s’effacent et « le ciel infini » paraît et nous libère : avec cette voix, nous respirons. Nous sommes aussi dans la joie populaire d’un bal quand elle danse avec frénésie dans ce hangar, la vie ressaisie un court moment dans la joie exubérante. Deux rares moments de répit.
Déplacements, gestes, pensées ininterrompues, prises à partie du public, le texte est mis en valeur d’un bout à l’autre : nous sommes dans cette âme et dans son exaspération quand elle parle à son mari, à sa fille, à une voisine. Nous sommes sollicités constamment.
L’émotion atteint son point culminant sur la dernière partie du texte, de l’émotion partagée à l’état pur ! Arrêt du temps, face à face, elle découvre le journal de sa fille, le moi réel de sa fille, pas celui qu’elle fantasmait pour elle. La chaleureuse lumière orange revient sur elle et elle tourne les pages lentement tendresse du geste, musique lointaine et caressante, elle se tait absorbée par les mots de l’autre, moment de compréhension et de tendresse entrecoupé de hoquets de douleur pure, tempo lent et tendre et elle tourne les pages mais son délire revient et brise tout : « ça suffit ! ça me tue ! ». L’éclairage froid revient doucement, le bleu succède à l’orange. Elle n’accepte pas ce que dit sa fille, ce journal elle va le déchirer : son amour maternel dévié la possède à nouveau : l’atmosphère bascule et paradoxe le corps se tord de souffrance, le corps parle. La musique devient sinistre, sifflement reptilien, respiration rauque : les ERYNIES sont bien là et ne lâchent pas leur proie. Nicole est prostrée, après avoir trouvé un alibi, elle se recroqueville, la posture, les yeux disent tout, moment de théâtre intense, la souffrance envahit l’espace, comédienne et personnage ne font qu’un : c’est bouleversant ! RIEN PLUS RIEN AU MONDE, la lumière peut s’éteindre. COUPEZ ! Bravo L’artiste !
Liliane LIL auteure.
Pour vous rendre sur sa vitrine littéraire https://www.lilianelil-litterature.com/